
Comment imaginer le tourisme de demain ?
Des tendances de fond émergent depuis plusieurs années en réaction à la sur-fréquentation touristique et en réponse aux aspirations des nouvelles générations (Millénials notamment). On parle désaisonnalisation, amélioration et personnalisation de l’expérience client, recherche d’authenticité et limitation de notre empreinte carbone. On voit émerger il y a peu le tourisme de proximité, la micro-aventure, aux côtés de l’agritourisme et l’oenotourisme par exemple déjà bien implantés dans certains territoires…. Tout ceci ne semble pas prêt de s’arrêter.
Nous n’avons jamais autant voyagé que maintenant, et le voyage n’a jamais été autant facilité par les modes de transports, les nouvelles technologies et la circulation de l’information. C’est parfois même trop pléthorique, tant il y a d’avis, de comparatifs et de photos de destinations toutes plus alléchantes (et instagrammables) les unes que les autres
Comment se positionner selon nos envies et nos moyens ? Comment faire évoluer la mise en tourisme des territoires ? Comment voyager autrement ? Quelques pistes de réflexion…
Se déconnecter pour se reconnecter
Oui nous vivons dans un monde de plus en plus rapide, informé (sur-informé même !), anxiogène et bruyant. Alors nous voulons de plus en plus vivre des vacances qui nous coupent de notre quotidien. Et il est courant de se dire « où vais-je pouvoir m’évader vraiment pour profiter ? » Comme une nouvelle injonction de notre monde moderne, où même en vacances il faudrait maximiser son programme, quitte à garder ses habitudes boulimiques, pour tout voir et tout faire de la destination où l’on se trouve.
Reconsidérer le temps et l’espace

Pour moi, une première réponse est de considérer, le temps et l’espace comme le vrai luxe de notre époque.
Faire une pause dans notre société signifie se couper de nos chaînes (portable, embouteillages, écrans et autres attributs du monde moderne) pour partager un moment avec nos proches, ceux que l’on aime (et qui ne prennent pas toujours la première place dans notre quotidien). Trouver le temps de mettre en priorité les gens que l’on aime, leur accorder du temps qualitatif, pour partager des moments inoubliables qui cimentent les relations et construisent des souvenirs.
C’est d’abord avec qui l’on part qui compte vraiment.
Sortir du TOUT digital
Redonner sa place à l’humain. Utiliser les nouvelles technologies pour faciliter le voyage est évident. Il ne s’agit pas de se priver du confort moderne pour revenir dans le passé. L’information est là pour nous aider à faire des choix éclairés, sur notre destination, notre mode de vie en vacances, faciliter nos déplacements et comparer les tarifs pour coller à notre budget.
Le digital ne saurait être un but en soi, qui remplacerait notre analyse, notre immersion et notre rencontre avec l’autre. Dans les voyages, il y a depuis toujours une promesses d’inconnu, d’imprévu qui donne ce petit goût d’aventure, même à un séjour à deux pas de chez soi.
Les voyages forment la jeunesse.
Michel de Montaigne

Au siècle des Lumières, Montaigne avait déjà identifié que le voyage était une manière de s’approprier le monde, de le découvrir, de le comprendre et d’en revenir grandi, changé, transformé. Il est de nature à produire des effets bénéfiques qui vont bien au-delà de notre simple bien-être.
Il permet de confronter des points de vue, d’ouvrir son esprit, de cultiver sa curiosité, de travailler sa bienveillance et in fine, de se reconnecter à nos 5 sens.
Avec le digital, c’est tout au plus, la vue et l’ouïe qui sont sollicitées, mais le toucher, l’odorat et le goût sont difficilement mobilisables à travers un écran. Alors que l’expérience se vit aussi par ces sens là. Goûter un vin, toucher la fourrure d’un animal ou sentir l’odeur des amandiers en fleurs, ne saurait se vivre autrement qu’en vrai !
Devenir un voyageur-acteur
A l’image de Greta Thunberg qui déchaîne les commentaires, positifs comme négatifs, pour son action en faveur d’un changement de nos modes de vie, il y a des réflexions à mener sur nos comportements actuels. Et le tourisme n’échappe pas à cette prise de conscience.
D’une logique de consommation …
Historiquement, il y avait, le temps dédié au travail et celui dédié aux vacances. Depuis 1936 et les congés payés, nous avons eu droit à cette soupape, 5 semaines de congés payés comme une bouffée d’oxygène parmi 52 semaines de dur labeur. S’est installé peu à peu avec la période des Trente Glorieuses, une logique de consommation, dans nos vacances, comme dans notre vie quotidienne. L’époque imposait une compartimentation du temps (travail/vacances) et la consommation de nouveaux biens de consommation comme attributs de modernité, le tourisme n’y échappant pas.
Le touriste est devenu un consommateur de destinations, générant certes des effets bénéfiques sur certains territoires délaissés jusque là (la montagne par exemple), mais reposant sur une logique de consommation de ressources finies : le territoire d’accueil et les périodes scolaires. Les stations touristiques étant parfois envahies à la période estivale sur le littoral ou hivernale dans nos montagnes. Avec cette injonction : il FAUT profiter !
Une prise de conscience, en même temps que la découverte de l’ampleur des conséquences du changement climatique, nous pousse à modifier nos choix, même si partir à l’autre bout du monde est possible, tous en même temps et vers les mêmes destinations, est-ce vraiment souhaitable ?
… à une logique de découverte.

Serait-il possible de découvrir sans détruire des milieux naturels ? de prendre son temps ? de délaisser sa montre ? de rencontrer sans importuner les habitants ? de partager sans muséifier les sites historiques ou les paysages emblématiques d’une destination ?
Pour moi, une deuxième réponse réside dans la façon dont on décide de découvrir un territoire :
- En adoptant le rythme, les habitudes, les traditions et l’art de vivre de chaque territoire,
- En partant hors saison, à proximité, pour des escapades courtes,
- En recherchant le contact avec les locaux, en testant leur hospitalité, en s’intéressant à leur métier, à leur histoire, leur patrimoine, leurs paysages, ce qui fonde leur identité,
- En consommant localement, en respectant ce qui a été érigé par des générations, en s’intégrant plutôt qu’en arrivant en client-roi à qui tout est dû.
Avec une posture humble plus que conquérante, en cultivant sa curiosité du lieu et des autres, en élargissant ses connaissances, pour s’enrichir mutuellement.
En lâchant prise plutôt qu’en contrôlant.
Découvrir pour mieux transmettre
Le passé a de l’avenir
Que vous soyez éloignés de la Provence ou bien résidents locaux, que vous soyez urbains ou ruraux, que vous soyez en famille, entre amis ou en couple, il y a forcément des gens à rencontrer sur votre lieu de séjour. Que vous ayez décidé de venir passer quelques jours hors saison ou toutes vos vacances d’été en Provence, il y a mille choses à découvrir et à partager avec les gens d’ici.
Ils sont souvent peu médiatisés, les artisans d’art et du goût comme j’aime à les nommer, car ils sont parfois solitaires dans leur pratique, et surtout très occupés par leur métier. Vigneron, oléiculteur, céramiste, safranier, vannier, maroquinier, arboriculteur … ils travaillent avec leurs mains, un matériau, une terre, un végétal, une ressource naturelle en somme qui ne se dompte pas facilement.

Ils ont des heures, des jours, des années de pratique et façonnent des produits d’exception, qui nous donnent des étoiles dans les yeux et nous mettent la salive à la bouche.
Ils s’inspirent du passé pour perpétuer les gestes de leurs aïeux, en s’adaptant aux conditions présentes, pour durer et faire durer des traditions. Ils ont le goût de la transmission, pour ne pas oublier qui ils sont et d’où ils viennent. Ils témoignent de cet art de vivre en Provence, qui est mythique mais accessible à la découverte pour tous ceux qui veulent bien prendre le temps de les rencontrer.
C’es pour moi, une troisième réponse, quand on essaie d’imaginer l’avenir du tourisme sur notre territoire provençal :
Découvrir les savoir-faire et ceux qui les détiennent, pour comprendre un territoire, honorer son passé et respecter son héritage, pour le transmettre à nos enfants.
Il ne s’agit pas de consommer et dégrader une destination, mais la parcourir pour la découvrir, la valoriser, en parler et créer un cercle vertueux qui favorise l’économie locale et circulaire.
Sur la piste des patrimoines immatériels de Provence

J’ai parcouru la Provence depuis 15 ans maintenant et j’y ai découvert des paysages à couper le souffle, des sites et des édifices patrimoniaux exceptionnels, des produits gourmands délicieux et des objets d’art façonnés avec minutie et passion.
J’ai travaillé pendant 15 ans à valoriser ces produits, ces sites et ces territoires, car j’ai toujours eu à cœur de mettre en valeur le beau et le bon.
Mais aujourd’hui, ce qui me tient à coeur par dessus tout c’est de parler de ces hommes et ces femmes qui font ce territoire. De dépasser l’objet, de traverser la carte postale, de raconter l’histoire de ces vieilles pierres par le biais de l’histoire de ceux qui les ont construits, entretenus et livrés à nos sens aujourd’hui.
Au delà, des patrimoines matériels, il y a ces patrimoines immatériels culturels bien vivants, qui évoluent chaque jour et chaque saison. Ils forgent l’identité de la Provence, son essence.
C’est en les découvrant, les racontant et les mettant à votre disposition que je pense vous livrer une autre façon de voyager.
Le tourisme de demain serait-il celui de l’hospitalité, la rencontre et le partage, des notions immatérielles mais essentielles, pour nous relier et nous renforcer dans notre humanité ?
Et vous, quelles sont vos convictions et vos valeurs en matière de voyage ?
AK


One Comment
AK
Thanks a lot !